Devenir indépendant et constituer son entreprise en Suisse
1. Introduction
Il est relativement simple de fonder une société en Suisse. Seuls certains domaines réglementés de la Confédération (professions médicales, pédagogiques, sociales) ou des cantons (circulation, architecture, professions juridiques, …) exigent des autorisations spéciales.
Le prix à payer pour obtenir l’indépendance est élevé. Il faut savoir que malgré les aspects motivants de l’indépendance, les débuts peuvent parfois se révéler difficiles en matière financière. Celui qui s’apprête à créer une entreprise devra être conscient de la somme de travail qui l’attend. De longues journées et des nuits courtes seront au programme pour les entrepreneurs. Il faut être conscient que l’indépendance présente des risques : selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), 8,3% des indépendants ont été touchés par la pauvreté en 2019, contre 3,6% pour les employés. Celui qui ne se laisse pas intimider par ces risques dispose d’un prérequis indispensable en la matière : la confiance en soi.
Les petites et moyennes entreprises (PME) sont la colonne vertébrale de l’économie suisse, avec environ 99% d’entreprises employant moins de 250 personnes à temps plein.
2. Forme juridique de l’entreprise
Il est important d’adapter la structure juridique de la future entreprise aux différents besoins de cette dernière. En Suisse, les formes les plus courantes pour les PME sont l’entreprise individuelle, la société anonyme (SA) et la société à responsabilité limité (Sàrl).
Il y a quelques critères à considérer selon le choix de la forme juridique de la future entreprise : le capital (frais de fondation, …), le risque/la responsabilité (en principe, plus le risque de la contribution financière est grand, plus il est conseillé d’adopter une société à responsabilité limité ou une société anonyme), l’indépendance (selon la forme juridique, la marge de manœuvre est limitée), les impôts (l’imposition peut varier selon la forme de la société) et la sécurité sociale (par exemple, les propriétaires d’une raison individuelle ne sont pas assurés contre le chômage).
Il existe une pluralité de formes juridiques d’entreprises : l’entreprise individuelle, la société simple, la société en nom collectif, la société en commandite, la société anonyme (SA), la société à responsabilité limitée (Sàrl), la société coopérative, l’association et la fondation.
Au fil de cet article, il vous sera présenté les trois principales formes juridiques en Suisse : l’entreprise individuelle, la SA et la Sàrl.
3. L’entreprise individuelle
L’entreprise individuelle est la forme parfaite si vous êtes désireux de vous lancer en solo rapidement et facilement. Beaucoup d’entrepreneurs privilégient cette forme juridique car elle peut être fondée très simplement et sans frais exorbitants liés à sa création. L’inscription au registre du commerce est obligatoire seulement lorsque le chiffre d’affaires annuel dépasse CHF 100’000.00 (art. 931 CO). Le versement d’un capital de base fixe n’est pas obligatoire.
Le fondateur d’une entreprise individuelle a un statut de travailleur indépendant. Ceci signifie qu’il est en grande partie responsable de sa prévoyance. Pour obtenir le statut d’indépendant, l’entrepreneur peut déposer une demande auprès de l’AVS, au lieu où l’activité est exercée. Attention, car dans certains secteurs, notamment dans celui du bâtiment ou du transport, c’est la SUVA qui octroie le statut d’indépendant. Il est donc indispensable de se renseigner vers quel organisme il faut se tourner pour se voir attribuer le statut d’indépendant.
Le fondateur endosse également une responsabilité illimitée envers sa raison individuelle.
Le nom de l’entreprise doit comporter le nom de famille du créateur. Les autres dénominations ne sont permises qu’en complément.
Selon l’art. 957 CO, les entreprises individuelles dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas CHF 500’000.00 lors du dernier exercice ne tiennent qu’une comptabilité comportant les recettes, les dépenses et le patrimoine. A la lumière du même article, les entreprises individuelles ayant réalisé un chiffre d’affaires égal ou supérieur à CHF 500’000.00 lors du dernier exercice doivent tenir une comptabilité et présenter des comptes conformément aux règles établies dans les art. 957 ss CO.
L’entreprise individuelle est fondée une fois la prise d’une activité économique indépendante et durable.
4. La société anonyme (SA)
La SA est une société de droit commercial constituée en vue d’atteindre un but déterminé de nature économique, éventuellement en vue d’atteindre un but idéal. Elle jouit de la personnalité juridique.
La société anonyme est fondée lors de son inscription au registre du commerce, ce qui nécessite un passage préalable devant le notaire pour sa constitution.
Le capital-actions est d’au moins CHF 100’000.00. Il doit être libéré à 20% au moins. Ce capital ne doit pas nécessairement être versé en espèces, il peut être versé sous forme d’apports en nature (p.ex. biens immobiliers ou mobiliers).
Une société anonyme peut être constituée par une ou plusieurs personnes physiques ou personnes morales. Celles-ci apportent un certain capital qui est divisé en sommes partielles, plus communément appelées actions. Il faut comprendre les actions comme une sorte de droit de participation à l’entreprise comme propriétaire de celle-ci.
Avec la Sàrl, la SA est la forme juridique la plus rencontrée en Suisse, car elle offre aux petites entreprises de nombreux avantages en matière de responsabilité, de réglementation de capitaux et d’autres aspects. Seule la fortune sociale répond des obligations de la société anonyme. Cela signifie qu’en cas de faillite, les actionnaires de la SA perdent uniquement leur part au capital-actions. De plus, selon l’art. 620 CO, les actionnaires ne doivent pas répondre personnellement des dettes de la SA.
4.1. Les statuts
Toute SA doit reposer sur une base juridique propre : les statuts. Ces derniers constituent les règles fondamentales de la société et confèrent l’identité de la personnalité juridique de la SA. L’art. 626 CO indique les dispositions qui doivent impérativement figurer dans les statuts. Faire défaut de l’une de ces dispositions a pour conséquence que la société ne sera pas inscrite au Registre du Commerce.
Il est possible de prévoir d’autres dispositions facultatives, qui ne sont valables qu’à condition de figurer dans les statuts (art. 627 CO).
Le ou les fondateurs de la SA arrêtent et adoptent le texte des statuts à l’unanimité. L’adoption des statuts doit être constatée dans un acte authentique, donc authentifié par un notaire. Ce ne sont pas les statuts qui doivent revêtir de la forme authentique, mais c’est l’acte constitutif indiquant que les statuts de la SA sont ceux adoptés ce jour qui doit revêtir de la forme authentique.
4.2. La raison sociale et le but
La raison sociale est le nom donné à la société. Le choix de la raison sociale est soumis à quatre principes : le principe de la liberté, le principe de l’originalité, le principe de la véracité et le principe de la réserve de l’intérêt public. Ces différents principes ne seront pas approfondis dans cet article mais il faut retenir qu’il n’est pas possible de choisir n’importe quel nom pour la société, en particulier ceux désignant des caractères de réclame (p.ex. « Discount SA » ou « Miniprix SA »). La dénomination « SA » est obligatoire dans la raison sociale.
Concernant le but, les SA peuvent adopter tout but possible et non illicite. Par « but » on entend ce qu’une société envisage de réaliser. En d’autres termes, le but exprime l’activité économique (ou idéale) de la société.
5. La société à responsabilité limitée (Sàrl)
La Sàrl est une société commerciale jouissant de sa propre personnalité juridique, avec un capital de départ bas, convenant particulièrement aux PME et aux entreprises familiales.
Une Sàrl est créée lors de son inscription au registre du commerce. Comme pour la SA, l’authentification de la fondation doit être faite par un notaire. Selon l’art. 775 CO, la Sàrl peut être fondée par une ou plusieurs personnes physiques ou morales. Les créateurs devront par un acte authentique déclarer la création de l’entreprise, établir les statuts, constituer l’assemblée des associés et éventuellement nommer un organe de révision. En parallèle avec la SA, la Sàrl peut être fondée et exploitée par une seule personne.
Attention au nom « responsabilité limitée » qui porte à confusion, car la société est entièrement responsable de ses dettes. Puisque le capital social doit être entièrement libéré, la responsabilité personnelle de chaque associé n’est pas engagée, sauf convention contraire indiquée dans les statuts pour certains aspects.
Le choix de la raison sociale est libre, sous les mêmes réserves que pour la SA, mais l’ajout de la dénomination « Sàrl » est obligatoire (en entier ou en la forme abrégée).
5.1. Statuts
Comme pour la SA, les statuts d’une Sàrl sont fixés par la loi. Pour la Sàrl, ce sont les articles 776 ss CO qui s’appliquent.
Les dispositions obligatoires devant figurer dans les statuts se trouvent à l’article 776 CO : la raison sociale, le siège, le but, le montant du capital social et la forme à observer pour les publications de la société.
5.2. Capital de départ et capital-social
Il est obligatoire d’apporter un capital social de minimum de CHF 20’000.00. Tant les apports en espèces qu’en nature sont valables. Le capital social doit être libéré (versé) en totalité.
Lors de la création d’une Sàrl, le ou les fondateurs doivent ouvrir un compte de consignation auprès d’un établissement bancaire. Ce compte bancaire a pour fonction de garantir la disponibilité de l’argent déposé au nom de l’entreprise en formation, en l’attente de l’inscription au Registre du Commerce de la société. Après la publication de la création de la société dans la Feuille officielle suisse du commerce, les fonds sont versés sur le compte courant de l’entreprise et le compte de consignation est clôturé.
Plusieurs associés peuvent participer au capital-social. La valeur des actions d’une Sàrl doit s’élever à au moins CHF 100.00 par action (art. 774 CO).
6. Conclusion
L’indépendance est un choix qui peut donner envie, mais non sans conséquences. Il n’est pas possible de créer une société à la « va vite » et d’espérer qu’elle fonctionne. Pour avoir une société qui fonctionne, il faut prendre le temps d’analyser chaque aspect juridique, car toute décision a une conséquence.
Les trois formes juridiques de société présentées ne sont pas les seules possibles et ne peuvent peut-être pas correspondre avec vos buts. Pour cette raison il est crucial de bien se renseigner à l’avance sur les conséquences juridiques de chaque constitution de société, afin d’éviter toute complication non désirée.
Nous sommes évidemment à votre complète disposition pour tous conseils, authentifications et accompagnements durant la création de votre société.
Co-écrit par Carmen Lüdi, étudiante Bachelor en droit, stagiaire-universitaire au sein de l’Etude Ferraz