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Droit notarial

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Devenir indépendant et constituer son entreprise en Suisse

Indépendant au travail

1. Introduction

Il est relativement simple de fonder une société en Suisse. Seuls certains domaines réglementés de la Confédération (professions médicales, pédagogiques, sociales) ou des cantons (circulation, architecture, professions juridiques, …) exigent des autorisations spéciales.

Le prix à payer pour obtenir l’indépendance est élevé. Il faut savoir que malgré les aspects motivants de l’indépendance, les débuts peuvent parfois se révéler difficiles en matière financière. Celui qui s’apprête à créer une entreprise devra être conscient de la somme de travail qui l’attend. De longues journées et des nuits courtes seront au programme pour les entrepreneurs. Il faut être conscient que l’indépendance présente des risques : selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), 8,3% des indépendants ont été touchés par la pauvreté en 2019, contre 3,6% pour les employés. Celui qui ne se laisse pas intimider par ces risques dispose d’un prérequis indispensable en la matière : la confiance en soi.

Les petites et moyennes entreprises (PME) sont la colonne vertébrale de l’économie suisse, avec environ 99% d’entreprises employant moins de 250 personnes à temps plein.

2. Forme juridique de l’entreprise

Il est important d’adapter la structure juridique de la future entreprise aux différents besoins de cette dernière. En Suisse, les formes les plus courantes pour les PME sont l’entreprise individuelle, la société anonyme (SA) et la société à responsabilité limité (Sàrl).

Il y a quelques critères à considérer selon le choix de la forme juridique de la future entreprise : le capital (frais de fondation, …), le risque/la responsabilité (en principe, plus le risque de la contribution financière est grand, plus il est conseillé d’adopter une société à responsabilité limité ou une société anonyme), l’indépendance (selon la forme juridique, la marge de manœuvre est limitée), les impôts (l’imposition peut varier selon la forme de la société) et la sécurité sociale (par exemple, les propriétaires d’une raison individuelle ne sont pas assurés contre le chômage).

Il existe une pluralité de formes juridiques d’entreprises : l’entreprise individuelle, la société simple, la société en nom collectif, la société en commandite, la société anonyme (SA), la société à responsabilité limitée (Sàrl), la société coopérative, l’association et la fondation.

Au fil de cet article, il vous sera présenté les trois principales formes juridiques en Suisse : l’entreprise individuelle, la SA et la Sàrl.

3. L’entreprise individuelle

L’entreprise individuelle est la forme parfaite si vous êtes désireux de vous lancer en solo rapidement et facilement. Beaucoup d’entrepreneurs privilégient cette forme juridique car elle peut être fondée très simplement et sans frais exorbitants liés à sa création. L’inscription au registre du commerce est obligatoire seulement lorsque le chiffre d’affaires annuel dépasse CHF 100’000.00 (art. 931 CO). Le versement d’un capital de base fixe n’est pas obligatoire.

Le fondateur d’une entreprise individuelle a un statut de travailleur indépendant. Ceci signifie qu’il est en grande partie responsable de sa prévoyance. Pour obtenir le statut d’indépendant, l’entrepreneur peut déposer une demande auprès de l’AVS, au lieu où l’activité est exercée. Attention, car dans certains secteurs, notamment dans celui du bâtiment ou du transport, c’est la SUVA qui octroie le statut d’indépendant. Il est donc indispensable de se renseigner vers quel organisme il faut se tourner pour se voir attribuer le statut d’indépendant.

Le fondateur endosse également une responsabilité illimitée envers sa raison individuelle.

Le nom de l’entreprise doit comporter le nom de famille du créateur. Les autres dénominations ne sont permises qu’en complément.

Selon l’art. 957 CO, les entreprises individuelles dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas CHF 500’000.00 lors du dernier exercice ne tiennent qu’une comptabilité comportant les recettes, les dépenses et le patrimoine. A la lumière du même article, les entreprises individuelles ayant réalisé un chiffre d’affaires égal ou supérieur à CHF 500’000.00 lors du dernier exercice doivent tenir une comptabilité et présenter des comptes conformément aux règles établies dans les art. 957 ss CO.

L’entreprise individuelle est fondée une fois la prise d’une activité économique indépendante et durable.

4. La société anonyme (SA)

La SA est une société de droit commercial constituée en vue d’atteindre un but déterminé de nature économique, éventuellement en vue d’atteindre un but idéal. Elle jouit de la personnalité juridique.

La société anonyme est fondée lors de son inscription au registre du commerce, ce qui nécessite un passage préalable devant le notaire pour sa constitution.

Le capital-actions est d’au moins CHF 100’000.00. Il doit être libéré à 20% au moins. Ce capital ne doit pas nécessairement être versé en espèces, il peut être versé sous forme d’apports en nature (p.ex. biens immobiliers ou mobiliers).

Une société anonyme peut être constituée par une ou plusieurs personnes physiques ou personnes morales. Celles-ci apportent un certain capital qui est divisé en sommes partielles, plus communément appelées actions. Il faut comprendre les actions comme une sorte de droit de participation à l’entreprise comme propriétaire de celle-ci.

Avec la Sàrl, la SA est la forme juridique la plus rencontrée en Suisse, car elle offre aux petites entreprises de nombreux avantages en matière de responsabilité, de réglementation de capitaux et d’autres aspects. Seule la fortune sociale répond des obligations de la société anonyme. Cela signifie qu’en cas de faillite, les actionnaires de la SA perdent uniquement leur part au capital-actions. De plus, selon l’art. 620 CO, les actionnaires ne doivent pas répondre personnellement des dettes de la SA.

4.1. Les statuts

Toute SA doit reposer sur une base juridique propre : les statuts. Ces derniers constituent les règles fondamentales de la société et confèrent l’identité de la personnalité juridique de la SA. L’art. 626 CO indique les dispositions qui doivent impérativement figurer dans les statuts. Faire défaut de l’une de ces dispositions a pour conséquence que la société ne sera pas inscrite au Registre du Commerce.

Il est possible de prévoir d’autres dispositions facultatives, qui ne sont valables qu’à condition de figurer dans les statuts (art. 627 CO).

Le ou les fondateurs de la SA arrêtent et adoptent le texte des statuts à l’unanimité. L’adoption des statuts doit être constatée dans un acte authentique, donc authentifié par un notaire. Ce ne sont pas les statuts qui doivent revêtir de la forme authentique, mais c’est l’acte constitutif indiquant que les statuts de la SA sont ceux adoptés ce jour qui doit revêtir de la forme authentique.

4.2. La raison sociale et le but

La raison sociale est le nom donné à la société. Le choix de la raison sociale est soumis à quatre principes : le principe de la liberté, le principe de l’originalité, le principe de la véracité et le principe de la réserve de l’intérêt public. Ces différents principes ne seront pas approfondis dans cet article mais il faut retenir qu’il n’est pas possible de choisir n’importe quel nom pour la société, en particulier ceux désignant des caractères de réclame (p.ex. « Discount SA » ou « Miniprix SA »). La dénomination « SA » est obligatoire dans la raison sociale.

Concernant le but, les SA peuvent adopter tout but possible et non illicite. Par « but » on entend ce qu’une société envisage de réaliser. En d’autres termes, le but exprime l’activité économique (ou idéale) de la société.

5. La société à responsabilité limitée (Sàrl)

La Sàrl est une société commerciale jouissant de sa propre personnalité juridique, avec un capital de départ bas, convenant particulièrement aux PME et aux entreprises familiales.

Une Sàrl est créée lors de son inscription au registre du commerce. Comme pour la SA, l’authentification de la fondation doit être faite par un notaire. Selon l’art. 775 CO, la Sàrl peut être fondée par une ou plusieurs personnes physiques ou morales. Les créateurs devront par un acte authentique déclarer la création de l’entreprise, établir les statuts, constituer l’assemblée des associés et éventuellement nommer un organe de révision. En parallèle avec la SA, la Sàrl peut être fondée et exploitée par une seule personne.

Attention au nom « responsabilité limitée » qui porte à confusion, car la société est entièrement responsable de ses dettes. Puisque le capital social doit être entièrement libéré, la responsabilité personnelle de chaque associé n’est pas engagée, sauf convention contraire indiquée dans les statuts pour certains aspects.

Le choix de la raison sociale est libre, sous les mêmes réserves que pour la SA, mais l’ajout de la dénomination « Sàrl » est obligatoire (en entier ou en la forme abrégée).

5.1. Statuts

Comme pour la SA, les statuts d’une Sàrl sont fixés par la loi. Pour la Sàrl, ce sont les articles 776 ss CO qui s’appliquent.

Les dispositions obligatoires devant figurer dans les statuts se trouvent à l’article 776 CO : la raison sociale, le siège, le but, le montant du capital social et la forme à observer pour les publications de la société.

5.2. Capital de départ et capital-social

Il est obligatoire d’apporter un capital social de minimum de CHF 20’000.00. Tant les apports en espèces qu’en nature sont valables. Le capital social doit être libéré (versé) en totalité.

Lors de la création d’une Sàrl, le ou les fondateurs doivent ouvrir un compte de consignation auprès d’un établissement bancaire. Ce compte bancaire a pour fonction de garantir la disponibilité de l’argent déposé au nom de l’entreprise en formation, en l’attente de l’inscription au Registre du Commerce de la société. Après la publication de la création de la société dans la Feuille officielle suisse du commerce, les fonds sont versés sur le compte courant de l’entreprise et le compte de consignation est clôturé.

Plusieurs associés peuvent participer au capital-social. La valeur des actions d’une Sàrl doit s’élever à au moins CHF 100.00 par action (art. 774 CO).

6. Conclusion

L’indépendance est un choix qui peut donner envie, mais non sans conséquences. Il n’est pas possible de créer une société à la « va vite » et d’espérer qu’elle fonctionne. Pour avoir une société qui fonctionne, il faut prendre le temps d’analyser chaque aspect juridique, car toute décision a une conséquence.

Les trois formes juridiques de société présentées ne sont pas les seules possibles et ne peuvent peut-être pas correspondre avec vos buts. Pour cette raison il est crucial de bien se renseigner à l’avance sur les conséquences juridiques de chaque constitution de société, afin d’éviter toute complication non désirée.

Nous sommes évidemment à votre complète disposition pour tous conseils, authentifications et accompagnements durant la création de votre société.

Co-écrit par Carmen Lüdi, étudiante Bachelor en droit, stagiaire-universitaire au sein de l’Etude Ferraz

Du partenariat enregistré au mariage

Mise en valeur du mariage pour tous

Le 26 septembre 2021, le peuple suisse a voté positivement à la réforme du Code Civil, le mariage pour tous. Depuis le 1er juillet 2022, les couples de même sexe ont la possibilité de se marier et de fonder une famille en Suisse. Pour les couples déjà liés par un partenariat enregistré, la loi prévoit une procédure simplifiée de conversion du partenariat en mariage. Les couples souhaitant garder leur partenariat peuvent le faire, mais dès le 1er juillet 2022 il n’est plus possible de conclure de nouveaux partenariats enregistrés en Suisse. La loi sur le partenariat enregistré de personnes du même sexe (LPart) subsiste, mais ne s’applique qu’aux partenariats conclus avant le 1er juillet 2022.

Le mariage civil est donc ouvert à toutes et tous, indépendamment du sexe des deux conjoints, et représente le seul choix pour les nouveaux couples désireux de s’unir devant la loi.

Contrairement à l’article 181 du Code Civil, qui prévoit pour le mariage le régime ordinaire de la participation aux acquêts, le partenariat enregistré est soumis au régime ordinaire de la séparation des biens. Pour les couples mariés, il est évidemment possible de conclure un contrat de mariage prévoyant la séparation des biens de chaque époux. Ce contrat doit être authentifié par un notaire ou un officier public en fonction du canton de domicile.

1. Déroulement de la procédure

Il y a deux conditions afin de convertir le partenariat enregistré en mariage. Premièrement, il faut que le partenariat ait été inscrit au registre de l’état civil avant le 1er juillet 2022. Deuxièmement, il ne faut pas que le partenariat ait été dissous.

La procédure de conversion, qui n’est pas obligatoire et qui peut intervenir en tout temps, consiste en une déclaration des deux partenaires auprès d’un office d’état civil en Suisse. Si les deux conjoints résident à l’étranger, la demande doit être déposée auprès de la représentation suisse à l’étranger.

Après avoir déposé la déclaration, l’office d’état civil convoque les deux partenaires pour signer la déclaration de conversion d’un partenariat enregistré en mariage.

Le partenariat peut être converti en mariage selon deux modalités. La première est la conversion effectuée sans invités ni témoins, dans une salle de réunion de l’office de l’état civil. La deuxième consiste à effectuer la conversion dans un local de cérémonie officiel en présence de deux témoins majeurs et capables de discernement, avec des invités selon la place disponible dans le local.

La conversion coûte en principe CHF 75, mais peut être plus élevée selon le canton.

2. Conséquences de la conversion

Malgré les similitudes des droits du mariage et du partenariat enregistré, des différences entre les deux législations existent principalement concernant le régime patrimonial et la dissolution de l’union.

2.1. Le régime patrimonial

2.1.1. Le partenariat enregistré

En cas d’absence d’une solution conventionnelle, les relations patrimoniales des partenaires enregistrés sont régies par l’article 18 LPart qui prévoit une séparation des patrimoines des partenaires, fondée sur le régime matrimonial de la séparation de biens. Il n’y a donc aucun partage à la fin du partenariat enregistré. Ceci signifie que chacun reste propriétaire de ses biens et jouit seul d’un éventuel bénéfice réalisé, sans devoir le partager avec son partenaire. Le régime de la séparation de biens traduit la volonté des partenaires de ne pas être liés au premier plan par des rapports financiers. Tous deux conservent à cet égard une liberté économique totale.

Chacun des partenaires enregistrés est propriétaire de ses biens et peut en disposer librement. Il ou elle ne répond pas d’office des dettes du conjoint, au-delà de celles découlant de la représentation du couple ou de la famille pour les besoins courants.

Séparation de biens signifie également qu’il n’y a pas de participation à l’augmentation ou à la diminution du patrimoine de l’autre partenaire lors de la dissolution de l’union. Chacun des partenaires reprend ses biens sans devoir « égaliser » les éventuels changements de fortune qu’il a pu réaliser durant le partenariat.

Les partenaires peuvent déroger au régime ordinaire de la séparation des biens en concluant une convention selon l’article 25 LPart afin de décider de la qualification de leurs biens et du sort de leurs patrimoines en cas de dissolution de l’union. Cette convention reste en vigueur après une conversion de l’union en mariage. Elle ne peut être modifiée, après la conversion, qu’au moyen d’un contrat de mariage, devant notaire.

Il y a différentes possibilités de déroger au régime ordinaire de la séparation des biens. Les partenaires peuvent s’accorder sur le fait que leurs biens soient partagés selon les règles de la participation aux acquêts, ou conclure un accord contractuel relevant du droit des obligations.

La convention par laquelle les partenaires enregistrés adoptent un régime particulier doit être passée en la forme authentique, c’est-à-dire devant un notaire ou un officier public.

2.1.2. Le mariage

En convertissant leur partenariat, les partenaires enregistrés devenus époux sont immédiatement placés sous le régime légal des couples mariés, à savoir la participation aux acquêts, en vertu de l’article 181 du Code Civil.

A la fin de l’union, concernant la liquidation des rapports patrimoniaux au sein du couple, la situation change fondamentalement du régime ordinaire du partenariat enregistré. En effet, placés sous le régime matrimonial de la participation aux acquêts, les époux devront procéder au partage en principe à parts égales du bénéfice de l’union conjugale.

Ceci signifie que les époux partagent à la fin du mariage les économies réalisées sur les biens acquis de manière onéreuse au moyen d’économies réalisées pendant le mariage (argent, mobilier, immobilier, etc.). C’est ce qu’on appelle les acquêts. Les biens propres qui sont pour l’essentiel les biens héritiers, les donations, les cadeaux, etc., ne se partagent pas.

Parmi les possibilités offertes aux époux pour modifier ces conséquences, on retrouve principalement l’adoption du régime de la séparation des biens ou, à l’opposé, de la communauté de biens. Comme pour les partenaires enregistrés, ce type de convention doit être passé en la forme authentique, devant notaire.

2.2. La dissolution de l’union

Lors d’une conversion, les partenaires enregistrés deviennent des époux et doivent dès lors intenter un divorce pour obtenir la dissolution de leur union. Sans entrer dans les détails, on relèvera juste que le divorce est soumis à des conditions nettement plus strictes que la dissolution du partenariat enregistré.

Par exemple, le délai de vie séparée qui permet à un époux de demander unilatéralement le divorce est de deux ans, alors qu’il n’est que d’un an pour la dissolution du partenariat enregistré.

3. Conclusion

Le mariage pour tous offre aux couples de même sexe plus de choix et de moyens qu’auparavant pour organiser leur situation juridique, même si cela a pour incidence qu’une option moins lourde de conséquences que le mariage n’existe plus en droit suisse.

La conversion du partenariat enregistré au mariage est une procédure simple, peu onéreuse et accessible à toutes et tous.

D’un point de vue sociétal, cette réforme du Code Civil constitue un pas décisif vers plus d’égalité entre les couples. En effet, un seul type de couple est reconnu en droit suisse et il n’y a plus de flou à cet égard. Le mariage consacre clairement l’espace disponible pour un nouveau type d’union dans notre univers juridique.

Il est important pour tout couple désirant procéder à une conversion de son partenariat enregistré de bien se renseigner sur les conséquences que cela peu entraîner sur le plan juridique, afin de palier à toutes éventualités indésirables. Nous sommes à votre entière dispositions pour tous conseils ainsi que pour la rédactions de contrats de mariage en la forme authentique.

Co-écrit par Carmen Lüdi, étudiante Bachelor en droit, stagiaire-universitaire au sein de l’Etude Ferraz

Maison hantée et garantie pour les défauts

Après de l’achat d’une nouvelle maison, il peut arriver que les nouveaux propriétaires remarquent des évènements inhabituels, comme des odeurs, des bruits étranges ou des animaux de compagnie se comportant différemment de d’habitude. Les habitants de la maison peuvent également se sentir mal à l’aise, comme s’il y avait une présence, alors qu’à l’évidence, ils sont seuls. Quand toutes les raisons scientifiques peuvent être écartées, une explication possible est la présence d’esprits dans la maison.

Si pour beaucoup ces questions semblent purement risibles, pour d’autres elles peuvent engendrer de réels traumatismes. A une époque où science et croyance ne cessent de se rencontrer, à quand des procès en garantie pour les défauts au titre de maison hantée, spectres et autres revenants.

Le droit suisse contient des dispositions concernant la garantie pour les défauts. Particulièrement parce que l’achat d’une maison est couteux et demande beaucoup d’investissements, le fait de découvrir de tels défauts dont les corrections peuvent s’avérer longues et onéreuses est une source de désillusions importante. Pour cette raison, une action en garantie pour les défauts pourrait être intentée pour réduire le prix de vente ou pour résilier le contrat.

I. Généralités

Le contrat de vente immobilière (c’est-à-dire d’une maison, d’un appartement, d’un terrain etc…) confère des obligations à l’acheteur et au vendeur. Les obligations dites principales sont la livraison du bien par le vendeur en échange d’un prix payé par l’acheteur. Cependant, et à la suite de la vente en tant que telle, les parties au contrat ont d’autres obligations. Les plus importantes concernent la garantie pour les défauts du bien vendu.

Si l’objet de la vente présente effectivement un défaut et que les conditions sont réunies, l’acheteur peut intenter une action en garantie, permettant la résiliation de la vente ou la réduction du prix.

II. Garantie pour les défauts

A. Objet de la garantie

Au sens de l’article 197 du Code des obligations, le vendeur est tenu de garantir l’acheteur des qualités promises dans le contrat ainsi que les défauts qui enlèvent au bien sa valeur ou son utilité prévue, ou qui diminuent ces deux éléments dans une mesure importante. Il répond de ces défauts, même s’il les ignorait.

Le fait que la maison vendue soit hantée par un esprit pourrait être un défaut au sens de l’art. 197 CO. En effet, il est important pour tout propriétaire d’un logement que celui-ci soit agréable à vivre. Cependant, s’il ressent une présence ou si certains évènements étranges se produisent, le lieu et l’ambiance de celui-ci peuvent alors devenir pénibles, voire effrayants. Le bien-être des habitants est alors grandement diminué, ce qui réduit également la valeur de la maison.

B. Défauts connus et frauduleusement dissimulés

Lors d’une vente immobilière, il est important que le vendeur dise à l’acheteur quels sont les défauts connus, car sinon, il devra payer pour les réparations. De plus, si le contrat inclut une clause d’exclusion ou de restriction de la garantie, celle-ci est nulle si le vendeur a frauduleusement dissimulé à l’acheteur les défauts du bien.

Si l’acheteur avait dû s’apercevoir lui-même des défauts en examinant le bien, le vendeur ne répond alors pas non plus des défauts. Ainsi, si le vendeur dit à l’acheteur que la maison qu’il s’apprête à acquérir est hantée et que celui-ci l’achète, puis s’en plaint, le vendeur n’aura pas répondre de ce défaut, car il l’avait mentionné.

C. Vérification de l’acheteur

Pour que l’acheteur puisse se prévaloir des défauts qu’il invoque, il a l’obligation de vérifier l’état du bien aussitôt qu’il le peut et en informer immédiatement le vendeur. Cependant, certains défauts ne sont pas visibles au premier abord, comme le fait qu’un esprit ait élu domicile dans la maison. Dans ce cas et dès qu’il s’en rend compte, il doit immédiatement en informer le vendeur. S’il néglige de le faire, au moment de la vente ou lorsqu’il s’en rend compte, le bien est réputé accepté, même avec les défauts.

S’il s’avère que le vendeur a induit l’acheteur en erreur intentionnellement, il ne peut alors pas se prévaloir du fait que l’avis des défauts n’aurait pas eu lieu en temps utile. Dans notre cas de maison hantée, si le vendeur, connaissant le défaut de la maison, ne l’a pas indiqué à l’acheteur et si celui-ci n’informe pas immédiatement le vendeur, une action en garantie peut tout de même être intentée.

III. Action en garantie

S’il s’avère que le bien a un défaut et que l’avis a eu lieu en temps utile, l’acheteur peut intenter une action en garantie au sens de l’art. 205 CO. Il peut alors faire résilier la vente ou faire réduire le prix à concurrence de la moins-value. Pour que cette action puisse aboutir, il faut que l’acheteur prouve le défaut au sens de l’art. 8 CC.

A. Résiliation du contrat

L’acheteur peut décider de faire résilier le contrat. Cela signifie que les obligations non encore exécutées ne sont pas dues et que les prestations qui sont déjà effectuées doivent être restituées. Ainsi, dans le cas d’une vente immobilière, la maison doit être rendue, avec les profits possiblement retirés, et le montant payé doit être remis à l’acheteur avec les intérêts, les frais de procès et les impenses, au sens de l’art. 208 CO.

De plus, le vendeur doit indemniser l’acheteur de tout autre dommage, à moins qu’il ne prouve qu’aucune faute ne lui est imputable. Il y a faute si le vendeur conclut le contrat alors qu’il savait ou aurait dû savoir que le bien avait un défaut. Dans le cas présent, le vendeur qui n’a pas informé l’acheteur intentionnellement qu’un esprit hantait la maison a commis une faute. Il devra alors indemniser l’acheteur des différentes dépenses que celui-ci a dû faire pour, par exemple, faire venir un spécialiste ou le prix du suivi psychologique qui découle de la situation que doivent subir les nouveaux propriétaires.

La doctrine majoritaire considère que l’action rédhibitoire (c’est-à-dire en résiliation du contrat) annule le contrat de manière rétroactive, en faisant comme s’il n’avait jamais existé. Il ne subsiste alors plus d’obligations entre les parties.

B. Réduction du prix

L’acheteur a également la possibilité de réduire le prix à payer si le défaut engendre une moins-value (soit une différence entre la valeur objective du bien sans le défaut et la valeur objective de la chose défectueuse). Le contrat est alors maintenu, en réduisant le prix de vente, tout en conservant les obligations des parties.

D’après le Tribunal fédéral, la réduction, appelée indemnité pour moins-value, doit être calculée selon la méthode dite relative. Le prix convenu doit ainsi être réduit d’un montant proportionnel à la moins-value. Pour faciliter le calcul de la réduction, le Tribunal fédéral a dégagé deux présomptions. Premièrement, la moins-value est égale aux coûts de la réparation du bien. Deuxièmement, la valeur du bien supposé sans défauts est présumée égale au prix de la vente. Ceci facilite donc le calcul de la moins-value.

Un premier problème se dégage dans ce contexte. En effet, la présence d’un esprit dans une maison ou un appartement n’est pas « tangible », ce qui rend le calcul de la moins-value très compliqué. En effet, la « réparation » sous-entendrait faire purifier la maison. Cependant, il faudrait que ce soit réalisable, sans que l’on ne tombe sur un charlatan. De plus, une telle purification par un radiesthésiste peut s’avérer très couteuse et peut engendrer de nombreuses complications et heures de travail. Contrairement à une réparation ou autres décontaminations (en cas par exemple d’invasions d’insectes dans la maison) dont le prix est généralement assez similaire et déterminable selon l’expert qui les prend en charge, chasser des esprits n’est pas une pratique courante. Il peut donc être difficile d’arriver au résultat escompté et ce, à un prix raisonnable.

A noter que si le montant de la moins-value dépasse le prix de vente, la résiliation sera automatiquement ordonnée par le juge. L’indemnisation pour le dommage subi est également applicable par analogie pour la réduction du prix.

C. Problème de la preuve

Au sens de l’art. 8 du Code civil suisse, chaque partie doit prouver le fait qu’elle allègue pour en déduire un droit. La présence d’esprits est pour beaucoup due à des croyances. Il peut donc s’avérer ardu de prouver qu’une maison est hantée.

De plus, la preuve demandée doit être apportée par un expert qui doit être reconnu par le tribunal qui en admet l’expertise. Sans parler du problème des charlatans et même si la personne consultée est réellement un spécialiste, une telle preuve sera vraisemblablement difficile à apporter et à légitimer devant un tribunal.

La prise en compte de ces preuves découle du pouvoir d’appréciation du juge en charge de l’affaire et peut donc varier en fonction des sensibilités de celui-ci.

IV. Conclusion

Découvrir la présence d’un esprit dans une maison nouvellement achetée peut s’avérer être une source d’angoisses et de stress, renforcée par une action en justice qui, bien que nécessaire, pourrait potentiellement être compliquée en raison des preuves à apporter.

Pour le moment, la jurisprudence n’a jamais eu à trancher un tel cas. Cependant, au vu de la position de la majorité des personnes à ce sujet, l’aboutissement d’une action en garantie, que ce soit pour la résiliation du contrat ou en réduction du prix, serait très incertain.

Si vous vous trouvez dans cette situation, peu de solutions s’offrent à vous, si ce n’est de trouver un accord avec le vendeur, de faire appel à un spécialiste ou simplement de revendre la maison, mais attention aux défauts dissimulés…

Co-écrit par Albertine Necker, Etudiante Master en droit